Les fromagers à Comté, qui travaillent dans les fruitières du massif jurassien, sont des acteurs centraux du maintien des coopératives agricoles grâce à leurs compétences et à leur investissement. Ces compétences, le fromager les a reçues de son maître d’apprentissage qui lui-même les avait reçues de son maître d’apprentissage. Le fromager doit perpétuer le cycle de la transmission, faire que l’histoire ne s’arrête pas : ce don qui lui a été fait, il doit le rendre, recruter à son tour des apprentis qui deviendront alors de futurs professionnels qui formeront, eux aussi, d’autres apprentis.

La recherche de Paul, au travers d’entretiens avec des professionnels et d’observations sur le terrain, vise à comprendre pourquoi tout le monde ne peut pas devenir fromager. Les fromagers en place ne forment pas le premier venu : ils ne vont transmettre qu’à ceux qu’ils jugent aptes à être un jour à leur place. Le travail est physique, et remet en cause les possibilités de lien social pour le travailleur. Le fromager travaille tôt le matin, parfois 15 jours de suite et dispose de peu de week-ends. Il est ainsi en repos lorsque les autres sont au travail, et au travail quand les autres sont au repos. Le fromager risque ainsi d’être isolé socialement car il lui est difficile de s’éloigner du village dans lequel il exerce. C’est pourquoi les fromagers vont privilégier le recrutement de jeunes garçons issus des familles paysannes et/ou fromagères qui seront capables de supporter les exigences liées au métier, et ainsi de perpétuer le groupe professionnel.

Fiche publiée en 2016.