Les chercheurs
Sébastien Ternois
L'apparition des premiers reliefs d'une chaîne de montagne
Sébastien TERNOIS est un doctorant-ingénieur affilié au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG) de Vandœuvre-lès-Nancy. Sébastien réalise sa thèse au sein de l’équipe de recherche « Tectonique, Érosion et Évolution du Relief » qui étudie la dynamique de la déformation de la croûte continentale. L’objectif de Sébastien est de développer une nouvelle méthode permettant de dater la mise en place des tout premiers reliefs d’une chaine de montagne, qui, lorsqu’elle se forme par collision, s’appelle un orogène. Ces reliefs, une fois formés, subissent une érosion, ce qui modifie fortement la nature des sédiments déposés dans les bassins situés au pied de l’orogène. Les datations obtenues permettront à Sébastien de retracer l’évolution de ces bassins et de prédire si les conditions nécessaires à la formation, au stockage et à la préservation d’hydrocarbures y ont été réunies.
En affirmant qu’en chimie, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », Antoine Lavoisier (chimiste, philosophe et économiste français du 18ᵉ siècle) n’avait sûrement pas idée que cela pourrait aussi s’appliquer aux chaînes de montagne. Et pourtant, les systèmes montagneux tels qu’on les connaît ne sont pas éternels. Certains orogènes sont en effet plus jeunes que d’autres. En France, le Massif Armoricain, le Massif Central, les Vosges et les Ardennes sont de très vieilles chaînes de montagne à côté des Alpes et des Pyrénées.
Et pour cause, ces massifs sont des vestiges d’une ancienne chaîne presque aussi haute que l’Himalaya, la chaîne Hercynienne, dont la formation s’est achevée il y a 300 millions d’années, bien avant l’arrivée des dinosaures. Cependant, à l’heure actuelle, les géologues ne peuvent observer les orogènes qu’une fois formés, sans savoir quand ni comment les tout premiers reliefs les caractérisant sont apparus. Il leur est alors difficile de comprendre précisément l’évolution des bassins qui leur sont associés et de prédire si des hydrocarbures ont été formés dans ces bassins puis préservés jusqu’à aujourd’hui, et si ceux-ci peuvent être exploités. Bien que les Alpes et les Pyrénées se soient formées à la même époque, les Pyrénées ont arrêté de grandir en premier, limitant ainsi le degré de déformation au sein de la chaîne. Pendant près de 200 ans, les géologues ont étudié les Pyrénées et ont montré que les premiers reliefs pyrénéens sont apparus dans la partie Est ou orientale de la chaîne. Les Pyrénées-Orientales représentent alors la trace ancienne peu déformée, appelée trace fossile, des tout premiers reliefs pyrénéens.
Pour dater l’apparition de ces reliefs, Sébastien collecte des échantillons de roches en surface, les broie au laboratoire en petits grains que l’on appelle minéraux, et sépare ces derniers. Il utilise ensuite un de ces minéraux qui a cristallisé dans la croûte continentale bien avant la collision, le zircon, comme un chronomètre dont la minuterie a été activée quand le minéral a été refroidi à une température inférieure à 200 °C. Sébastien a développé un outil qui lui permet de mesurer la quantité d’un gaz, l’hélium, produit dans le zircon au cours du temps depuis le refroidissement de ce dernier. Il montre alors que la mise en place des tout premiers reliefs pyrénéens a eu lieu, il y a environ 75 millions d’années, soit un peu plus de 10 millions d’années avant la fin des dinosaures.
Fiche publiée en 2019.
- Dater l’apparition des tout premiers reliefs au début de la formation des Pyrénées
- Développer une méthode de datation innovante qui est applicable sur un exemple naturel tel que les Pyrénées et qui pourra ensuite être appliquée à toute autre chaine de montagne dans le monde
- Mieux comprendre la formation et l’évolution d’un orogène avec des perspectives d’exploration pétrolière dans les bassins à proximité