Astrid Novat est jeune chercheuse en littérature au centre pluridisciplinaire textes et cultures à l’Université de Bourgogne et au centre de recherche sur la littérature et la culture québécoise à l’Université de Montréal. Elle s’intéresse à l’œuvre de Claude Gauvreau (1925-1971), un auteur de théâtre québécois. Celui-ci a écrit un grand nombre de pièces, mais elles ne sont que très peu jouées ou lues et son travail tombe peu à peu dans l’oubli. Astrid souhaite les faire connaitre et étudie en quoi elles ont révolutionné le théâtre de l’époque, mais aussi celui d’aujourd’hui.

Dans les années 1940, un groupe d’artistes québécois se rassemble autour d’une même idée : moderniser le Québec grâce à l’art. Le plus révolutionnaire d’entre eux s’appelle Claude Gauvreau. Cet auteur pense que pour écrire des textes modernes, il faut commencer par changer de langue. Au Québec, on parle français et anglais, mais Gauvreau ne veut parler aucune de ces deux langues. Il invente donc ce qu’il appelle « l’exploréen » pour les remplacer. Cette drôle de langue complique la mise en scène de ses pièces. D’autant plus que Gauvreau est très en avance sur son temps. Il est l’auteur du premier texte de théâtre québécois écrit spécialement pour la télévision. Le manque de moyens de l’époque et la bizarrerie de ses inventions rendent souvent ses œuvres impossibles à jouer. Beaucoup le pensent fou et il est vite oublié.

C’est justement la bizarrerie de Gauvreau qui intéresse Astrid. Est-il vraiment fou ou au contraire un génie ? A-t-il réussi son pari de moderniser le Québec ?

Pour le découvrir, Astrid a commencé par lire ses pièces, puis elle est allée dans des bibliothèques particulières, appelées archives, pour chercher d’anciens documents comme des lettres, des brouillons de travail ou des articles impossibles à trouver ailleurs. Elle retrace l’histoire mystérieuse de cet auteur et rencontre d’autres chercheurs qui essaient de mettre en scène des pièces longtemps qualifiées d’injouables, mais qui le deviennent aujourd’hui grâce aux moyens techniques modernes. Ensemble, ils se sont rendus compte que cet auteur utilisait notamment certains codes du cinéma et abordait déjà des thèmes comme les limites de la nature humaine. S’il est parfois compliqué de comprendre ses textes, Astrid est sûre d’une chose : cinquante ans après, Gauvreau est toujours en avance sur nous.